Un spectre scintillait juste devant moi. Il apparut en
noir et blanc, mais je pouvais voir à travers lui. Enfin presque. Il portait une
veste de costume à rayures des années 20, un pantalon à revers assorti et
une grosse cravate. Sa poitrine se trouvait au niveau de mes yeux, ce qui le
rendait anormalement grand.
Mon sang se
figea dans mes veines et je me forçai à lever les yeux. Son visage était
allongé, son nez pointu, il paraissait impitoyable.
Il
s’adoucit un peu et laissa échapper un long soupir.
J’écrasai
mon dos contre la porte verrouillée. Il enleva son Panama blanc et je fus
stupéfaite de voir le trou rond et net d’une balle dans son front. Il fit un
geste vers la blessure avec le rebord de son chapeau.
— Difficile à rater, hein ?
Je ne savais
pas quoi répondre et il toucha la large bande noire du chapeau. Peut-être que
je pouvais essayer d’être polie et prétendre ne pas avoir remarqué le grand
trou situé à trois centimètres au-dessus de ses yeux. Il fallait vraiment que
j’arrête de le fixer.
— Je suis désolée, chuchotai-je.
— Pourquoi ? demanda-t-il, renfrogné. Parce que
tu as jeté mes cendres dans tes rosiers ?
Une
étincelle d’horreur s’alluma en moi.
— C’était…
Oh, mon
Dieu.
— Je l’ignorais.
Il pencha
la tête d’un côté.
— Tu es désolée d’avoir piégé mon esprit sur ta
propriété ?
Ma bouche
s’assécha.
— C’est ce que j’ai fait ?
Il remit
son chapeau.
— C’est pire que de se faire tirer dans la tête,
grogna-t-il.
Il se mit à
faire les cent pas dans la cuisine.
Je ne
bougeai pas d’un millimètre.
— Je suppose que vous savez de quoi vous parlez,
hasardai-je.
Il se
retourna comme si je l’avais giflé.
— C’est censé être drôle ?
Non. Pas du
tout.
Juste… terriblement
gênant. Je ne savais pas quoi dire d’autre. Comment peut-on avoir une
conversation polie avec quelqu’un qui a connu une mort aussi tragique ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire